Monde technocentrique : redéfinir la place de l’humain

Auteure : Christine Bergeron, MBA, AdmA, CQPA, CSL

Publié le : 17 février 2020 sur le site de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec

Le mythe

De nos jours, nous sommes entourés de technologies et bombardés de solutions technologiques qui promettent de résoudre nos problèmes. Ces solutions peuvent être rassurantes pour les gestionnaires, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Conçus pour accélérer la productivité et augmenter la performance, leurs intégrations se font parfois au détriment des personnes qu’ils devraient aider. Malheureusement, plusieurs gestionnaires croient encore au mythe que les technologies améliorent l’expérience de travail qui n’est pas toujours le cas.

Les pièges

Lors du choix et de l’implantation d’une nouvelle technologie, que cela soit complexe comme un système de gestion intégré ou plus simple comme une nouvelle plateforme de réseaux sociaux, il y a des pièges que nous pouvons éviter :

  • Le choix d’un outil non adapté ou trop élaboré pour les besoins;
  • Sous-estimer ou ignorer la courbe d’apprentissage des usagers, et
  • L’impact négatif possible sur les employés.

Il y a trois causes principales qui mènent à ces pièges : la mauvaise identification du problème, la mauvaise évaluation des besoins des employés, et le fait que nous oublions qu’une nouvelle technologie n’est pas seulement un outil, mais un changement de la nature même du travail.

Prenons par exemple les téléphones cellulaires. À la base, cet outil de communication semble anodin. Aujourd’hui, il est intégré à notre réalité du travail, mais il a tout de même changé complètement notre façon de communiquer (pensez messages textes au lieu d’appel vocal) et la façon dont les gens travaillent : accès au bureau et à l’internet sur la route, et surtout la possibilité d’être rejoint en tout temps. Nous aborderons l’impact plus loin dans le texte.

Pour assurer un meilleur choix et une meilleure intégration de la solution, nous devons bien définir le problème que nous tentons de résoudre. Souvent, nous tentons de résoudre un symptôme au lieu d’aller à la source, soit le réel problème. Prenons le cas d’utiliser un système de gestion intégré pour résoudre l’effet de silo entre les divers départements de l’organisation. Le nouveau système va effectivement assurer que tout le monde travaille dans le même système, mais pas une meilleure communication entre ces départements, ni un travail plus cohérent.  Pour nous aider, il y a plusieurs outils et techniques d’identification des sources de problèmes tels que les diagrammes d’Ishikawa.

Impact sur l’humain et les bonnes pratiques

Toute implantation de solution technologique, aussi minime que cela puisse nous paraître, est un grand changement pour les personnes impliquées.  Le plus grand impact est l’augmentation du stress et par conséquent une diminution de satisfaction au travail et parfois des problèmes de santé. L’impact est si courant qu’il a été nommé Technostress par les chercheurs spécialisés dans le domaine.

Nous allons décortiquer certaines causes accompagnées de bonnes pratiques pour les réduire, ou au moins réduire leurs effets sur les employés. Car il ne faut surtout pas négliger les conséquences pour l’entreprise : une baisse de productivité, l’augmentation du taux d’absentéisme et de roulement, et le boycottage ou mauvais usage de l’outil; causant des pertes considérables dans tous ces cas.

Le changement en soi peut être source de stress, car l’humain aime bien ses habitudes. Mais encore plus grave est la mauvaise gestion du changement, qui prend souvent la forme d’un changement imposé. Il faut impliquer nos employés, ceux qui auront à utiliser la technologie, dans le processus d’évaluation des besoins et dans le choix de solution. Cela dit, pas nécessairement faire participer l’ensemble des employés au vote, mais plutôt, nous devons les consulter, soit par sondage ou par représentation dans un comité. Plus les employés nous partagent leurs besoins, leurs attentes et leurs craintes, plus notre choix sera judicieux et plus il sera facile d’avoir l’appui des employés dans la transition.

Le manque de qualification ou d’aisance avec la technologie est aussi une source d’angoisse. Nous devons nous rappeler que ce n’est pas tout le monde qui a la même facilité avec les technologies. Nous devons donc prévoir de la formation et une courbe d’apprentissage pour chacun des employés impliqués. Tout changement apporte aussi une surcharge de travail ou minimalement, un ralentissement de productivité temporaire. Cette surcharge est parfois prolongée, donc il faut ajuster les objectifs de rendement en conséquence pour réduire l’insatisfaction, voir la frustration chez nos employés. 

Une autre source de stress, de confusion et de mécontentement est le manque de continuité entre les processus. Plus l’écart est grand entre la façon de faire actuelle et celle avec la nouvelle technologie, plus l’impact sera grand sur les personnes impliquées. Il est important d’adapter les processus et les responsabilités. Cependant, si l’outil, par sa nature même, apporte une modification majeure des façons de faire, le temps de préparation et d’adaptation avant l’entrée en service « Go-live » sera encore plus important. Dans tous les cas, nous devons prévoir suffisamment de temps, même si nous voulons utiliser l’outil rapidement, pour assurer que tout le monde soit prêt. Si des étapes sont sautées ou accélérées, nous risquons de ne pas utiliser l’outil à moyen ou long terme.

Malgré les pièges possibles, nous ne devons pas croire qu’il faut éviter les solutions technologiques. Les technologies peuvent être de grands atouts pour une entreprise, surtout si nous nous rappelons que ce sont les gens qui feront la réussite de l’outil et non l’inverse.Ori

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