La performance organisationnelle dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre

Auteure : Christine Bergeron, MBA, AdmA, CQPA, CSP

Publié le : 17 décembre 2018 sur le site de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec

Nous le savons, nous vivons actuellement une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. En
avril 2018, 2,6% des postes demeuraient vacants au Québec1, et la majorité de ces postes étaient à
temps complet. De plus, la rétention et fidélisation des employés s’avèrent de
plus en plus difficile pour les entreprises. Le gestionnaire d’aujourd’hui doit
assurer l’atteinte de ses objectifs avec, souvent, moins d’effectifs.

Dépasser la culture de résultats

À moins d’être dans un contexte de production robotisée, l’élimination des pertes en
temps ou argent, et la standardisation des opérations ne sont pas suffisantes
pour l’optimisation de la performance organisationnelle. Nous ne pouvons pas
nous permettre d’ignorer l’impact des facteurs et comportements humains. Même
les meilleurs processus ne peuvent être efficaces si les employés sont absents
ou démotivés.

Pourtant, la PME québécoise continue à opérer dans une culture de résultats, où ses
objectifs et indicateurs de performance sont intrinsèquement liés à la
profitabilité, à l’efficacité, aux ventes, et au client, mais peu ou pas à sa
plus grande richesse : son capital humain. Les autres facteurs sont évidemment
importants, mais il faut prendre des mesures pour assurer la motivation des
équipes et maximiser leur rendement en travaillant mieux, et non en travaillant
plus.

Reconnaissance, responsabilisation et autres actions payantes

Le style de leadership, et notamment la reconnaissance et la responsabilisation
des employés, semblent être des facteurs clés pour potentiellement doubler le
rendement des employés, réduire les taux d’absentéisme et de roulement de façon
considérable. Voici quelques faits :

  • Le style de leadership des gestionnaires peut faire varier le rendement moyen des employés de 40% à 88% (Liz
  • Wiseman) ;
  • Le manque de reconnaissance au travail a un
    impact direct sur la santé physique et psychologique des employés et donc
    sur le taux d’absentéisme (Université de Sherbrooke) ;
  • Le coût d’absentéisme est équivalent, en
    moyenne, à 5% de la masse salariale de l’entreprise (Morneau
    Shepell) ;
  • Le manque de reconnaissance augmente le nombre
    de départs volontaires de 21% (Université Laval) ;
  • Les jeunes professionnels changent plus
    souvent d’employeur, allant jusqu’à changer tous les 2 ans ;
  • Les 18-34 considèrent les tâches intéressantes
    (63%) et la réalisation personnelle (60%) comme critères de sélection pour
    un nouvel emploi (Université Laval) ;
  • Le coût de départ est en moyenne de 0,5 à 2
    fois le salaire de l’employé, pouvant aller jusqu’à 4 fois dans certains
    postes très spécialisés ;
  • Le taux de rétention augmente de 9 à 17%
    lorsque les gestionnaires mettent en place des méthodes pour
    l’enrichissement des tâches de leurs employés (University of Colorado).

Responsabilitsation des employés

Mais comment concrètement améliorer la motivation des employés ? Une première piste
est d’encourager la responsabilisation des employés en leur déléguant la
responsabilité de l’atteinte de leurs objectifs. Ces objectifs devraient être
élevés, mais réalisables, afin d’augmenter le sentiment de satisfaction et de
réussite. Laissez de la liberté dans la réalisation et l’exécution du travail
tout en ayant des consignes claires pour les livrables. Il ne s’agit pas
d’abandonner les processus, mais plutôt de s’en servir comme balises et
standards au lieu de directives fermes. Cette approche favorise la
responsabilisation est une forme de reconnaissance et est une marque de
confiance qui motivera l’employé. Pour les équipes, on peut nommer en rotation
une personne responsable pour développer le leadership de plusieurs employés.

Reconnaissance

Une autre piste est la reconnaissance qui, pour être agissante, doit être
individuelle et ne doit pas viser uniquement l’efficacité organisationnelle. De
façon concrète, un gestionnaire devrait prendre régulièrement le temps de
reconnaitre les personnes en tant qu’individu (ex : saluer, prendre de leurs
nouvelles, etc.). Il doit aussi reconnaitre leur contribution au travail et leurs
efforts (ex : communiquer les bons coups en réunions, remercier pour le temps
investi sur un projet ; confirmer et accuser réception de tous documents
ou projets reçus). Il faut donner de la rétroaction régulièrement et de manière
constructive, incluant des points d’améliorations basés sur des compétences et
objectifs préalablement identifiés dans le plan de développement. Cela ne doit
pas seulement se faire aux évaluations de rendement annuel.

Talent naturel et droit à l’erreur

En tant que gestionnaire, n’oubliez pas de valoriser le talent et d’observer le talent
naturel chez les gens (ce qu’ils font sans demande et sans effort) afin de
mettre les bonnes personnes aux bonnes places. Laisser place à l’erreur pour
permettre l’apprentissage (sans crise ni blâme) et pour encourager l’innovation
et la créativité. Demandez à vos employés les pistes d’améliorations qu’ils
perçoivent dans leur travail. Ils sont les mieux placés pour vous aider à
trouver des solutions. Le travail en équipe, quand possible, devrait être
favorisé, même en production linéaire. Ceci encourage le transfert des
connaissances, minimise le risque d’impact lorsqu’il y a des absences et peut
briser l’isolement et la monotonie.

Formation des employés

Lorsque bien ciblée, la formation demeure un outil formidable pour atteindre plusieurs
objectifs : l’augmentation de la motivation des employés sous forme de
reconnaissance et par la valorisation du développement professionnel et
personnel. Elle permet aussi l’augmentation des qualités et compétences clés
chez les gestionnaires et employés ; et dans certains cas, le transfert
des connaissances. La formation peut prendre plusieurs formes : formations
traditionnelles à thématique précise, à l’interne ou à l’externe; formation par
les pairs, et programmes de mentorats et de codéveloppement.

Relève et immigrants

Pour les départs à la retraite, plus prévisibles, idéalement, il faut embaucher la
relève dès que possible pour la jumeler avec la personne qui quitte. Même si la
nouvelle recrue a moins d’expérience, elle aura la chance d’être formée par
votre vétéran pendant plusieurs semaines ou mois. Et dans tous les scénarios,
il ne faut pas négliger le potentiel de la main-d’œuvre immigrante. Celle-ci a
habituellement plus d’expérience et, est reconnue pour sa loyauté et sa
motivation.

Travailler mieux

La performance organisationnelle dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre exige
des gestionnaires d’être plus à l’écoute des besoins de leurs employés. Et
malgré le réflexe de vouloir les faire travailler plus, il faut revoir les
indicateurs de performances et inclure les facteurs humains, pour les faire
travailler mieux. Avec quelques changements de responsabilisation et de
reconnaissance, vous pouvez réduire les absences et les départs, et potentiellement
doubler votre productivité et atteindre vos objectifs.

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